Co-finançons notre habitat est une association née en 2013, qui a pour but de soutenir les habitats participatifs dans leurs aspect financiers, là où les banques font défaut.
Voir le dépliant de présentation :
http://rtes.fr/IMG/pdf/Depliant_cofinancons_notre_habitat_20140404.pdf
Voici la présentation qu’en fait Pierre-Yves Jan, membre de l’association, lors de l’atelier 4 de E²=HP², à propos des financements :
“À l’origine de Co-finançons notre habitat, nous nous sommes basés sur des besoins qui ont été identifiés au cours d’une enquête menée par Relier [Relier, Bureau d’étude Minute Papillon, 2011], après des tas de travaux menées après les Rencontres nationales de Strasbourg, de Grenoble et autres. Co-finançons notre habitat est une société coopérative qui veut glaner des moyens financiers, notamment auprès de la finance citoyenne, pour pouvoir débloquer des situations de groupes d’habitat participatif. C’est un outil de déblocage, ce n’est pas pour financer les logements. Les financements des logements, ça existe par ailleurs : c’est les PTZ, les PLSA, les PLS, c’est toute sorte de choses pour le logement social ou autres ; et il y a d’autres systèmes de financements, comme le crowfunding, ou autre. Mais Co-finançons n’est pas un outil de financement. Ce n’est pas non plus un outil de remplacement de ce que doivent faire les autres acteurs du logement. L’idée c’est de développer des opérations en évitant de désengager les circuits existants. À la limite, cette coopérative pourrait disparaître, dans l’idéal. Elle le fera si le système bancaire comprenait tout, et il va bien falloir qu’il le fasse, parce que nous ne voulons pas être une alternative, nous voulons juste mettre de l’huile de façon temporaire.
Sur des types d’interventions à très court terme, c’est du 1 an, 2 ans, 3 ans. À moyen terme, c’est du 8-10 ans. Il y a des besoins au démarrage, notamment pour mobiliser un foncier, ou financer des études. Par exemple vous, à la Cie rit, il fallait mettre 120 000€ pour le foncier, on peut imaginer qu’à ce moment-là il y aurait pu y avoir besoin d’obtenir 20 000 ou 30 000€ d’un tiers pour crédibiliser votre démarche. C’est un prêt, c’est à rembourser. Mais ça crédibilise, vous avez votre processus, c’est peut être important auprès de vos interlocuteurs bancaires, s’ils ne vous ont pas déjà compris. Mais en général, pour financer un terrain, ce n’est pas très compris. Les banques connaissent bien le financement d’un particulier, mais financer un groupe autopromoteur ou en co-maîtrise, c’est plus original. L’idéal c’est quand on est en lien avec une collectivité. Il y a aussi quelquefois des risques que prennent les groupes, il arrive dans certains groupes que certains aient des apports, des capacités, et ils financent le foncier avec leurs apports pour leurs futurs logements, par exemple ils sont trois à financer le foncier dans un groupe de dix. Donc ils se retrouvent en situation d’aménageurs. Et si finalement, ils n’arrivent pas à créer un groupe de dix, ils sont coincés, ils ont mobilisé l’argent pour mobiliser le foncier, et ils ne peuvent même plus acheter leur logement ensuite. Derrière cette idée d’avoir un outil partagé entre les groupes de co-financement, c’est aussi de discuter de règles de prudence, de faire qu’il y ait un dialogue avec des tiers, c’est une pédagogie de l’usage des fonds. Donc, la participation au prêt pour le foncier, pour crédibiliser la demander de prêt au niveau des banques, est un premier besoin auquel nous voulons pouvoir répondre.
Deuxième besoin, c’est sur les locaux communs. Soit on arrive à les attacher comme des annexes, des caves, des garages, qui sont financés par le lot, soit on n’y arrive pas. Beaucoup de groupes ont dû trouver des financements tiers pour financer les locaux communs, ou alors ils s’engagent sur beaucoup d’autoconstruction. Donc, l’idée c’est de faire éventuellement des financements longs. C’est un peu comme des Pass fonciers : les gens financent d’abord leur logement, et puis financent les locaux communs au bout de 8-10 ans, quand ils en ont la capacité. C’est un autre besoin explicite des groupes.
Troisième besoin des groupes, c’est le lot non souscrit. C’est quand, pendant la construction, une famille a renoncé à leur aménagement, d’une façon ou d’une autre, et que vous avez quand même eu à finir le logement. L’idée c’est d’intervenir pour souscrire le lot qui n’a pas encore de souscripteur, de le porter temporairement, pour ne pas bloquer l’ensemble de l’opération, pour que le logement soit fini. Après, il y a un problème de commercialisation, parce qu’il faudra bien trouver le moyen de trouver un nouvel occupant.
Quatrième besoin, c’est éventuellement en cours de vie, de pouvoir intervenir en cours de mutation, parce qu’il peut y avoir une mutation où quelqu’un part en urgence, a besoin de son financement, mais l’acquéreur ne s’est pas forcément engagé sur le profil du groupe, il peut être en situation, c’est arrivé par exemple à Redon, il y a une petite opération d’habitat participatif de six ménages à Redon, une mutation sur un logement a vu arriver un acquéreur qui a acheté un cadre de vie très verdoyant mais qui n’est pas du tout en phase avec les engagements de lien social, d’ateliers communs du groupe. Il ne veut pas mettre ses outils dans l’atelier, tout juste s’il ne veut pas utiliser sa propre tondeuse. Quelqu’un qui arrive et qui n’a rien compris au film, petit à petit, ça peut entacher l’élan du groupe, ça peut le banaliser. Ça peut être intéressant, au moment d’une mutation, de se donner le temps. C’est très pragmatique, ce sont des besoins qu’un système bancaire n’arrive pas forcément à comprendre.
Pour financer cet outil, l’idée c’est de faire appel à la solidarité citoyenne, et de faire appel à différents fonds. Nous avons un objectif dans un an de 200 000€ d’épargne citoyenne – vous avez des fiches de souscription qui circulent. Ça, ce sont des parts sociales d’une coopérative, d’une société coopérative d’intérêt collectif, d’utilité sociale, les gens peuvent avoir une déduction fiscale de 18 %. Et puis, il y a d’autres fonds. L’un des fonds qui a mobilisé ceux qui ont monté la coopérative, c’est les fonds de la Caisse de Dépôt, dans son « programme d’investissement d’avenir », qui incite à des projets nouveaux sur l’économie sociale. C’est un fonds d’un million d’euros qu’on peut utiliser par tranches. Il y a la Fondation L’Abbé Pierre qui va faire une dotation temporaire d’amorçage, et la Nef. On peut espérer que d’autres acteurs voudront soutenir l’habitat participatif. Et puis, il y a des collectivités. Les collectivités peuvent prendre des parts dans les SCIC, à condition de rester en dessous de 50 % des parts de la société. Donc, à chaque fois qu’on trouve 100 000€ on peut en demander autant à une collectivité. Il y a déjà des collectivités participantes, qui soutiennent le développement de l’habitat participatif parce qu’il y a des projets sur leur territoire : la Région Aquitaine, et c’est en discussion avec la Région Île-de-France.
Les fondateurs de la coopérative, ce sont les opérateurs qui sont déjà en contact de groupes d’habitat participatif, en particulier Habitat Solidaire de Montreuil, et le Pacte d’Aquitaine et de Poitou Charente. Ils amènent l’expérience concrète du montage. Il y a aussi des associations de l’habitat participatif, et des gens 18qui sont dans le métier de la finance citoyenne, à savoir la Nef. Ce sont ces trois mondes qui ont construit un outil qui vient mettre de l’huile dans les rouages. Comme c’est une SCIC, il y a des collèges.
L’association a été créée fin 2013, et là on est en train de boucler les équilibres de financements. L’objectif est de commencer les premières interventions dès janvier. Il y a par exemple à Bègles un besoin pour porter un foncier pendant deux ans. C’est au cas par cas. L’idée n’est pas d’apporter tout le foncier, mais ce qui manque. Nous voulons avoir une permanente, quelqu’un va sans doute être embauchée dans les semaines prochaines. Co-finançons est aussi un outil pédagogie d’appropriation de la finance citoyenne. Et c’est un outil de solidarité. Parmi les premiers à avoir souscrit il y a des gens qui habitent dans des habitats autogérés. Ils ont déjà remboursé leur logement, et au lieu de mettre leur argent dans des éoliennes ils le mettent dans le soutien aux autres projets d’habitat participatif. Dans le milieu qui est sensible à l’habitat participatif il y a des gens qui ont des disponibilités d’épargne, c’est fait aussi pour la mobiliser. C’est aussi, d’une façon plus générale, l’idée d’une démarche citoyenne, c’est-à-dire l’idée que la relation se fasse avec le monde des professionnels et avec le monde des élus et des collectivités, c’est une relation où chacun apporte sa part. C’est valoriser l’apport citoyen, et faire que ça appelle les contributions des collectivités et des professionnels. Nous ne voulons pas nous mettre en situation de simple assistance.
Et déjà on voit qu’il y a d’autres besoins qui apparaissent, auxquels cet outil- là ne va pas forcément pouvoir répondre. Il y a des besoins qui apparaissent sur l’idée de caution mutuelle, ou des choses comme ça. Dans les nouvelles sociétés de la loi ALUR, il y une obligation de trouver des garanties financières d’aboutissement. Peut-être que cet outil pourrait participer à une forme de caution mutuelle, c’est une question. On n’est pas sûr que ce soit le meilleur outil. On voit aussi d’autres travaux d’ingénierie financière, on va dire, qui tourne autour des notions de démembrement et fractionnement de la propriété, entre le volet foncier, le domaine, l’assiette d’un terrain, et l’usage de ce terrain, ceux qui en sont les utilisateurs. On connaît classiquement le bail emphytéotique, c’est quelqu’un qui a le fonds, et d’autres qui en a l’utilisation. Ces questionnements-là sont extrêmement fréquents parmi les groupes, il y a de l’innovation dans les groupes, sur l’idée de ne pas avoir forcément le même porteur pour le foncier que pour l’usage. Il y a une association nationale qui s’est créée, qui s’appelle Community Land Trust France, qui transpose en France des façons de faire, avec des fondations domaniale de citoyens qui achètent des domaines pour des usages non-spéculatifs. Il y a plein de bouillonnements. Co-finançons notre habitat se situe dans un réseau de leviers. C’est l’outil pragmatique qui fait appel à votre épargne pour prêter à d’autres projets d’habitat participatif. Cet outil se crée en parallèle de l’association Community Land Trust France qui travaille sur le démembrement, et en parallèle de l’association Habitat Participatif et Finances Citoyennes, qui s’est créé dès 2012 avec Relier notamment, qui a été la matrice de Co-finançons, et qui reste le laboratoire des questionnements juridico-financiers de l’habitat participatif.”