Présentation La Catiche des villes

Présentation de La Catiche des Villes – Hâ Brest

 

Projet à Brest, suite à l’appel à manifestation d’intérêt lancé par la ville de Brest en 2012.

www.septjoursabrest.fr/…/logement-ils-optent-pour-lhabitat-participatif/

 

Présentation par Marie-Laurence Troalen Simon, Delphine Riché, et Vincent Riché, lors de l’atelier 3 de E²=HP² : “Quelle équation pour l’accès au foncier par l’habitat participatif ?”, 11 avril 2014, à Lorient

 

Marie Laurence Troalen Simon : Nous, aujourd’hui, on est deux foyers à être venus, moi j’appartiens à la Catiche au début, et Vincent et Delphine appartiennent à Hâ-Brest, c’est pour ça qu’aujourd’hui on s’appelle la Catiche des Villes – Hâ Brest, parce que nous avons fusionné. Donc notre histoire de départ n’est pas tout-à-fait la même, mais enfin nos chemins se sont croisés, donc elle devient la même.

 

Au départ nous sommes cinq couples à la Catiche, qui répondons à l’appel à participation de BMO [Brest Métropole Océance]. BMO propose de mettre en place des habitats participatifs et nous propose un accompagnement, qui va être mené par l’Epok et Samuel, par le GRT Ouest, par Philippe Yven, Olivier Censetti. Voilà, on nous accompagne pendant une dizaine de séances qui durent trois heures sur de nombreuses thématiques. On est accompagnés petit à petit, alors que nous ne nous connaissions pas forcément, on va former un groupe qui acquière chemin faisant une culture de l’habitat participatif.

 

Ce qui au début pouvait nous choquer finit être accepté, cette histoire notamment de patrimoine, certains d’entre nous sont prêts à payer une redevance à la coopérative d’habitants, et à être logé comme ça, d’autres sont secoués dans l’idée qu’ils ne laisseraient rien à leurs enfants. Donc on avance, et puis quand même ce qui nous habite c’est cette histoire de terrain. Entre temps on a participé aux Rencontres régionales à Brest en 2012, où on a bien compris que le terrain c’était le souci. Donc on attend avec impatience que BMO nous propose des terrains, parce que dans le contrat de départ il y a cette proposition qui est faite. Mais BMO retarde. Quand les terrains arrivent, on fonce, moi je prends la moto de mon mari et dans la journée on y est ! Et puis ma foi, les terrains, ce n’est pas ce qu’on espérait. Alors on se dit que finalement ils se disent qu’on est tellement motivés, on a tellement envie de vivre ensemble, qu’on va accepter de s’installer dans n’importe quelle condition, au pied d’une

antenne par exemple à Saint Pierre, ou à Saint Marc sur un terrain où les engins ne peuvent pas entrer ! Ou alors sous le pont des suicidés, où il n’y a pas de lumière… Ou à Bellevue, mais c’est loin de l’école de nos enfants, parce qu’il sont au cœur de notre histoire. Donc on est un peu écœurés, certains d’entre nous disent « de toutes façons il fallait s’y attendre, on ne pouvait s’attendre qu’à ça »… On était allé visiter les grands-frères d’Ékoumène, qui nous avait dit « n’attendez quand même pas trop, ne soyez pas trop naïfs », mais bon… Maintenant on est arrivé au bout de notre accompagnement avec BMO, on a eu notre dernière réunion avec Olivier Censetti hier soir. Et maintenant qu’on est bourré de culture commune, de projets, de tout ça, qu’on a la foi que Samuel Lanoë nous a donné, nous voilà à la rue, comme tout le monde finalement ! C’est ce qu’on avait entendu aux Rencontres : « on est à la rue ! ». Alors malgré les convictions de certains on va frapper aux agences immobilières qui nous regardent en disant « qu’est-ce que c’est que ces beatniks », on avait pourtant donné des consignes à ceux qui allaient voir des agences immobilières : « habillez-vous proprement ! Amenez l’acte de propriété de votre maison actuelle pour prouver que vous n’êtes pas, voilà »… Et là on a bien vu que les agences ne comprenaient pas ce qu’on était. Ils ne nous appellent jamais. Et en plus il n’y a pas beaucoup de terrain constructible sur Brest. Et nous avons intégré que ce n’est pas tout de vouloir vivre ensemble, il faut vivre ensemble dans des maisons de haute qualité technique. Pour avoir des maisons de haute qualité technique, il faut la construire, c’est beaucoup plus compliqué de rénover. On est allé aux journées d’Ener’gence, on est allé voir l’Ademe, on est allé tout le monde. Et on s’est dit que construire, ce serait plus facile. On nous a dit que 200m2 par familles ça devrait aller, donc on cherche 1000m2, et 1000m2, on est parfaitement sur le terrain des promoteurs. Les promoteurs sont malins, ils nous bourrent le mou, ils nous disent « ha ben vous savez ça ne va pas être facile ma pauvre dame, parce que aujourd’hui les habitants font des recours pour tout, vous en prenez pour cinq ans, il n’y a rien à faire, ou alors il faut acheter les habitants, il faut payer l’ensoleillement qu’ils vont perdre »… les promoteurs nous découragent. Et pour autant on ne les intéresse pas, nous sommes cinq familles. Eux, sur 1000m2, ils construisent 30 logements. Et donc nous voilà à la rue. Et chemin faisant on se dit qu’on va peut-être regarder les terrains de BMO finalement. « Finalement on va faire un effort, allez ! Antenne ou pas antenne, on va serrer les fesses ! ».

 

Delphine Riché : Non, pas l’antenne !

 

Marie Laurence Troalen Simon : On n’a pas réussi à se mettre d’accord sur l’antenne ! Mais on repart quand même sur le terrain qui est au bord du tram, on se dit qu’on va écouter pour voir si vraiment ça fait beaucoup de bruit, on va demander à un architecte à savoir s’il n’y a pas de solution technique à ce problème… Vraiment, on veut y aller, on est prêts à faire de gros efforts. Et là ça nous rappelle vraiment Ékoumène, parce que c’est vrai qu’à Ékoumène il n’y avait plus de jardin, il n’y avait plus de terrasse, il n’y avait plus tout ça, quand on entendait tout ça aux Rencontres on se disait qu’ils avaient renoncé à tout ! Et on se dit que finalement l’habitat participatif c’est un deuil perpétuel ! Il faut savoir renoncer. Mais comme une fois par mois on va revoir Samuel qui nous reparle du vivre-ensemble, on s’accroche, on s’accroche !

 

Et donc aujourd’hui, où en sommes-nous ? On avait un rendez-vous avec Tifenn Quiger, qui est l’élue en charge de l’urbanisme à BMO, et on avait décidé de se fâcher avec elle en lui disant « franchement, à BMO, qu’est-ce que vous voulez, est-ce que vous voulez vraiment réimplanter une population sur Brest ? » parce qu’il y a quand même cette idée, Brest au-dessus de 150 000 habitants c’est pas pareil que Brest en dessous de 150 000 habitants. On n’est pas très politiques, mais on se dit qu’il y a sûrement quelque chose à jouer comme ça, on se dit qu’il y a l’idée de faire vitrine, mais en même temps on n’a pas envie de dire « oh ben nous comme on propose quelque chose dont vous allez pouvoir vous servir, on voudrait des privilèges que les autres n’auraient pas », non, on n’en est pas là, mais enfin quand même, on se dit… Là, on a un rendez-vous avec elle, et finalement il y a eu une entourloupe et paf, on ne s’est pas vu. Donc là on attend un autre rendez-vous, pour essayer de voir si en essayant de secouer un peu ses poches elle ne retrouverait pas quelque chose, sachant qu’on a fait beaucoup de deuils, donc on est beaucoup plus capables d’accepter des choses, et qu’on est devenu des militants chemin faisant. Aujourd’hui, on a demandé à BMO de nous faire une étude sur le terrain de Saint Marc, pour voir si en nous faisant un petit projet elle ne nous remettrait pas sur les rails, parce que là on était à un moment de creux. Chemin faisant, la Catiche a perdu deux couples qui ont eu des problèmes professionnels, et un couple qui voulait de l’hyper-centre à tout crin, or au début on voulait tous de l’hyper-centre, mais aujourd’hui ça fait partie de nos deuils. Et chemin faisant, on a récupéré Hâ-Brest, qui était l’autre petite association qui nous ressemblait, et donc nous avons fusionné avec Hâ-Brest.

 

Delphine Riché : Sur le projet de départ, on était plus partis sur de la propriété. Donc, forcément, la mixité sociale, il n’y en a pas, ou très peu. Mais là, avec le statut de la coopérative d’habitat, on se dit qu’on ne peut pas être propriétaire, on ne s’est pas encore décidé si on partait là-dessus, mais si on se dit oui, c’est intéressant, au final on ne sera peut-être pas propriétaires, et alors au final pourquoi ne pas revoir aussi cette question de mixité… En fait à chaque fois qu’on se voit ou qu’on participe à un atelier ou à une réunion comme ici, on évolue. Et puis on se pose de nouvelles questions.

 

Marie Laurence Troalen Simon : On n’habitera peut-être jamais ensemble mais on a acquis beaucoup de culture. C’est important. Mais ce terrain nous pose problème, parce qu’on voulait s’ouvrir à d’autres, mais comme déjà on ne parvient pas à se trouver 1000m2, et qu’on est en train de se serrer petit petit, qu’on a renoncé à la chambre d’amis, qu’on renonce à tout, du coup ce terrain pose problème. Quand on est allé à la campagne, avec Pierre-Yves Jan visiter le Grand chemin à Chevaigné, oui, si on avait 5000m2 on pourrait effectivement… Le problème c’est que si on veut rester en ville, et pour nous c’est l’idée, eh bien on n’a pas beaucoup de place… On avait compris avec Chevaigné que c’était mieux d’être 8 ou 12. On avait compris aussi grâce à Maryvonne et à Jean-Marie, qui sont dans un ancien habitat partagé à Brest, que quatre familles n’avait pas été un bon chiffre. Partout où on a été pêché on a trouvé que c’était plus facile entre 8 et 12, on a plus de parties communes, et puis c’est bien pour les relations, quand il y a des gens qui ne vont pas bien. Le problème c’est qu’en ville, pour 8-12, il faut trouver 2000m2, et ça c’est compliqué. Au début, avec la charte, Samuel nous avait dit « lâchez-vous, exprimez tout ce dont vous rêvez, allez-y ». Au début, ça

ne mange pas de pain d’écrire tout ce qu’on a envie, tout ce dont on peut rêver, et finalement petit à petit on gomme énormément…

 

Maryvonne Loiseau [des Toits partagés] : Et vous ne travaillez pas avec un bailleur social ?

 

Marie Laurence Troalen Simon : On a essayé, on s’est rapproché des Foyers d’Armor, et du Logis breton, et aussi d’Armorique Habitat, mais en fait je pense qu’on ne les intéresse pas vraiment.

 

Judith Fernandez [du Service Habitat de l’agglomération de Lorient] : Ça dépend aussi des ressources, si vous ne rentrez pas du tout dans les cases de l’accession à coût abordable… il ne faut pas grand-chose pour ne pas y être ! Et puis c’est pour construire cinq logements. Si je puis me permettre, c’est vrai que si les Toits partagés étaient venus nous dire qu’ils voulaient des maisons individuelles je pense qu’avec la Ville de Lorient on leur aurait dit non. On est en ville, il faut que ça réponde à des enjeux de densification.

 

Delphine Riché : On comprend ça. Le souci, je pense, c’est que dans la manière dont ça a été amené avec l’appel à projet de BMO, avec l’Epok, comme tu disais tout-à-l’heure, ils disaient « allez-y, lâchez-vous, faîtes vraiment ce que vous voulez », d’idéaliser la chose, de poser vraiment ce qu’on a envie. C’est peut-être aussi une incompréhension, mais du coup on s’est dit que BMO allait voir en fonction de nos projets, puisque ils nous laissaient vraiment aller vers ce qu’on voulait, et puis on s’est trop pris au jeu… On a idéalisé un peu trop la chose au départ.

 

Marie Laurence Troalen Simon : On est d’accord pour un petit collectif, on n’est pas du tout fermé à ça. Mais le fait est qu’on veut quand même un potager, on a cette idée de partager autour du jardin. C’est quelque chose qu’on n’a pas envie de lâcher. On veut un jardin potager avec Vert le jardin [association brestoise de jardinage partagé], on veut un projet comme ça dans notre quartier. Et on veut que ce soit ouvert, sur le quartier, par le jardin. Donc il nous faut un peu de terrain.