Présentation La Cie rit

Présentation de la Cie Rit

Saint-Germain-sur-Ille (35)

Installé en 2014

http://cie.rit.free.fr/blog/

http://cie.rit.free.fr/blog/wp-content/uploads/2015/03/Monographie-Cie-Rit_finale.pdf

 

Présentation par Yvan Legoff et Michel Thomas, lors de l’atelier 4 de E²=HP² : “Les financements des habitats participatifs”, le 17 octobre 2014, à Rennes

 

Yvan Legoff (Cie Rit) : Je me reconnais plutôt dans l’habitat autogéré des années 1980, c’est-à-dire pas de financement public, que des financements privés. Pour l’historique du projet, notre particularité est peut-être que nous avons été vite. Nous avons mis en place un groupe en 2011, de façon informelle au début. Quand on s’est rendu compte qu’on n’avançait pas vraiment, nous nous sommes donnés trois mois, et nous nous sommes dits que si dans ces trois mois nous n’avions pas trouvé un lieu, on abandonnait l’affaire. On connaissait pas mal de groupes sur Rennes qui existaient depuis 5 ans, 6 ans, 7 ans, et on s’est dit que nous ne voulions pas ça. En février 2012 nous avons signé pour un terrain, et un contrat avec une architecte. Initialement on était plutôt parti sur une rénovation de ferme, quelque chose comme ça, on ne souhaitait pas habiter en lotissement, et puis on a trouvé un peu par hasard un terrain en centre-bourg, qui était destiné à construire un collectif, et on s’est dit que ça nous intéressait, même si ce n’était pas notre projet initial. Nous avons créé une société, une SCCC, une Société Civile Coopérative de Construction, et c’est la société qui a acheté le terrain. Nous avons travaillé 6 mois avec l’architecte et avec le groupe. En septembre 2012 nous avons déposé un premier permis de construire, qui a été refusé, nous avons déposé un second permis en décembre 2012. Nous voulions aller vite pour redéposer le permis parce qu’on ne voulait pas être assujetti à la RT 2012 qui nous semblait trop contraignante, et qui pose des obligations de moyens plutôt que des obligations de résultats, alors que nous, nous avons cherché des résultats mais par forcément avec les mêmes moyens. Nous voulions être autonomes par rapport à la réglementation, aux normes, etc. En juin nous avons fait faire le terrassement. En juillet, nous avons fait poser la charpente par un entrepreneur. Et après nous avons passé 6 mois en autoconstruction. Nous ne voulions pas avoir un chantier qui dure, donc 4 personnes parmi les 4 familles ont arrêté leur emploi, et ont passé un temps plein sur le chantier pendant 8 mois, de juillet 2013 à février 2014. Nous avons aménagé en février, et puis nous avons fini des aménagements intérieurs quelques mois après, et des aménagements collectifs, des bardages, des terrasses, des balcons, etc. Nous avons encore des petites choses à faire, mais le gros est derrière nous. Donc, deux ans et demi en tout, de la constitution du groupe à la finition.

 

Danielle Rabiller (Les Voisins volontaires) : Comment vous avez vécu pendant 6 mois sans travailler ?

 

Thomas Michel (Cie Rit) : Il y a eu plusieurs approches, certains avaient mis de côté, d’autres étaient de toutes façons en période de transition, de formation professionnelle, ou en pause professionnelle. Sur cette question de financement public, on s’était posé la question. Nous avons regardé quel programme d’aide ou de subvention on aurait pu solliciter, notamment l’Europe ou la Région. Mais finalement nous avons choisi de ne pas faire de demande. Vu nos

impératifs de temps, et l’effort que ça aurait demandé, nous avons abandonné cette idée. On avait déjà la capacité financière de l’assumer.

 

Yvan Legoff (Cie Rit) : Nous avions entre 30 et 50 % d’apports selon les foyers. Ce qui facilite énormément les choses. Nous avions les moyens de notre projet. Nous n’avons pas eu de mal à obtenir des prêts auprès des banques, puisque nous avions tous des apports, et qu’on n’était pas au chômage à ce moment-là. Et puis, il y a beaucoup de financements publics qui sont liés à un certain nombre de normes, de réglementations, d’obligations, et nous on n’était pas du tout là-dessus. Ça nous a coûté moins cher et ça a été plus rapide de ne rien demander !

 

Thomas Michel (Cie Rit) : Sur la partie gestion de la SCCC, nous avons fonctionné aux frais réels, c’est-à-dire qu’au fur et à mesure de l’avancement des travaux et des factures on émettait des appels de fonds auprès des associés, c’est-à-dire nous-mêmes. On a juste apporté une avance à la société, qui permet d’avoir le fonds de roulement, et après tout est sur facture. Nous fonctionnons toujours comme ça aujourd’hui. Ça permet de voir les dépenses qui n’arrivent que au moment de la phase du chantier où elles correspondent, ce qui évite d’avancer des trop grosses sommes dès le début. Nous avons étalé sur un an les dépenses de la maison.

 

Yvan Legoff (Cie Rit) : Sur la répartition des coûts entre nous, nous avons beaucoup de frais en commun. À partir du moment où nous avons décidé de faire de l’autocontruction, nous avons fait un gros travail avec l’architecte pour faire un budget prévisionnel, pour vérifier tous les postes, avoir des devis, etc. Ça a été un long travail. À partir de ça nous on a défini des règles de répartition, que nous avons validé ensemble avant de démarrer. Nous avons décidé que tout ce qui était terrain, viabilisation, espaces communs, serait divisé par 4, on n’affectait pas ça à la surface des logements, ni au nombre de personnes dans les logements, parce que ça évolue, et ce n’est pas parce qu’on a une plus grande maison qu’on va plus 6utiliser le jardin, ou les autres espaces communs. Par contre, tout ce qui est lié à la structure, la charpente, les fondations, la toiture, l’isolation, etc., on a fait au pourcentage de la surface des logements, parce que les gros logements ont plus de toiture, par exemple. Et puis au réel pour tout ce qui est aménagement, électricité, etc. Dans le réel il y a des gens qui ont fait le choix de faire intervenir des artisans, ou de faire soi-même, on n’est pas deux à avoir fait pareil.

 

En analyse financière, nous avons un terrain à 134 000€, frais inclus. Les logements avaient été estimés autour de 700 000€ pour 4 logements, mais en autoconstruction nous sommes arrivés à 490 000, donc on a fait plus de 200 000€ d’économie sur les constructions, en huit mois de travail. Nous, on avait 800 000€ de budget. Nous avions un programme qui valait plus d’un million d’après l’architecte. Nous avons décidé de ne pas revoir notre programme à la baisse, et de travailler en autoconstruction pour aboutir à nos objectifs. Du coup, aux prix du logement avec des entreprises nous sommes passés de 2 750€ au m2 à 1700€ pour le coût de construction des logements, hors commun.

 

D’une façon générale, ce que j’ai envie de dire, c’est que ça a été très facile. Nous n’avons pas rencontré de difficulté, ni technique, ni relationnelle… C’est aussi parce que nous avons mis des choses simples dans ce projet, c’est-à-dire que nous n’avons pas voulu révolutionner le monde, nous n’avons pas réglé tous les maux de la planète, les problèmes écologiques, nos rapports symboliques à l’habitat, tout ça. Quand on met de l’écologie, c’est déjà compliqué, quand on met du collectif, c’est compliqué, quand on met des questions de co-financements, c’est compliqué, quand en plus on veut des statuts coopératifs, c’est compliqué, quand on a différents modes de location et d’accession, c’est compliqué, et au final on fabrique des énormes machines à gaz, et on ne sait pas comment les porter, et les gens à qui on peut s’adresser ne savent pas comment porter ça eux non plus. C’est pour ça que nous on est partis sur des choses le plus simple possible. On ne va pas tout mettre. Et effectivement, on a fait des croix sur plein de choses, par rapport aux autres projets, intergénérationnels, de mixité sociale, on a fait une croix dessus. On se ressemble, on est tous des bobos, on habite tous à la campagne, on est écolo… Nous avons été pragmatiques. Nous voulions un logement pour y vivre bien, que ce soit un peu écolo, un peu convivial, que ce soit facile, et nous avons mis des objectifs qui étaient à la hauteur de nos moyens, de ce qu’on était, de notre expérience. Nous avons mis le curseur au bon endroit. Nous avons eu besoin une fois de Samuel [d’Epok], pour une soirée en animation, mais nous avons déjà les compétences en termes d’animations, en termes de méthodologie, de gestion, de comptabilité, de maîtrise d’œuvre.

 

Thomas Michel (Cie Rit) : Je vais nuancer ce que dit Yvan, sur l’aspect « facile » des choses. C’est aussi que nous nous sommes beaucoup investis, nous avons fourni beaucoup d’efforts. Mais nous l’avons fait tous ensemble, et vraiment en concertation, beaucoup dialogué, nous avons fait une réunion par semaine, où on discutait de plein de sujets, de fric, du projet en lui-même, etc. C’est quelque chose qui s’est construit ensemble. C’est pour ça que ça s’est bien passé. Et puis nous sommes un petit groupe, de 4 foyers, ça simplifie la gestion du groupe.

 

Présentation par Yvan Legoff lors de l’atelier 6 de E²=HP²

Pour visualiser le support de présentation – cliquez ici

 

La Cie Rit est un habitat de 4 familles à Saint-Germain-sur-Ille, un centre-bourg à 25 km au nord de Rennes. Il comporte 450m2 de logements, et 225m2 d’espaces communs : une véranda, des terrasses, des balcons, une buanderie, un atelier, et une salle commune qui va démarrer. Et, en plus, un local vélo, et un jardin avec un potager. L’un des principes premiers au départ du projet était d’aller vite. En automne 2011, ils se sont donné 3 mois pour trouver un terrain. Ils l’ont fait dans ce temps imparti. Puis ils se sont donné deux ans pour emménager. Objectif atteint : l’emménagement a eu lieu entre février et mars, 2014, même s’il reste des travaux à effectuer. La construction se fait en autopromotion : « nous voulions être autonomes sur la conduite du projet, ça nous apparaissait comme une évidence. Nous étions dans une logique coopérative, pas de hiérarchie, pas de délégation, etc. ». Dans ce sens, le groupe choisit de ne pas se baser sur une charte, mais sur des réunions régulières, une par semaine en grand groupe avant le chantier, et une réunion de 10 minutes chaque jour pendant le chantier. La phase de conception du programme architectural se base sur des allers-retours avec l’architecte, ce qui oblige à formuler clairement des positions communes, notamment sur les répartitions entre les espaces privatifs et communs, et sur les questions écologiques.

 

L’option du recours à l’autoconstruction s’est vite posée. Dans un premier temps, il semblait que cette option irait contre l’objectif d’aller vite : « moi, clairement, je ne voulais pas construire sur le bâtiment, parce que je voyais toutes ces familles qui se séparent, tous les copains qui sont dessus depuis 10 ans… Je me dis que j’ai un salaire correct, je préfère travailler et payer des artisans qui sont payés moins cher que moi et qui vont plus vite que moi pour faire la maison. J’étais là-dessus. Mais je me suis trompé. » Le positionnement change quand se pose la question du budget : le premier programme dépasse largement le budget prévu, de « 350 000€ au-dessus de nos 800 000€ de budget, à 1 050 000€ du budget opération »…. Le groupe choisit alors de maintenir le programme, et de chercher à faire des économies. Cela passe par des simplifications techniques (estimation de 50 à 100 000€ d’économies), par de l’autopromotion, et de l’autoconstruction. Le principe de la rapidité est maintenu : l’objectif est fixé à un an de chantier. « Ça voulait dire qu’il y ait une personne par foyer qui lâche son boulot pour bosser sur la maison. C’était jouable pour nous, on n’était que 4 foyers, moi j’en avais marre de mon boulot, je voulais construire un bateau, j’ai construit une maison, maintenant je vais construire un bateau. Pierre travaillait à la Fédération Nationale du Bâtiment, il voulait devenir charpentier, donc il voulait se former, donc il a quitté son boulot, il a fait 6 mois de formation et après il a attaqué la maison, Thomas voulait monter sa boîte en informatique, il a quitté son boulot, et Sabrina est enseignante et elle pouvait prendre une année de dispo, à plein temps d’abord puis à temps partiel. Donc il y a avait une personne par foyer, trois hommes et une femme. » Le groupe constitue ainsi une véritable force de travail, avec des temps plein en heures de travail classique en semaine (8h-18h), et chacun revient sur le chantier en week-end s’il le veut sur son propre appartement. Le programme est établi en avance, de façon à optimiser le temps de travail (prévision des fournitures, chronologie des postes techniques…) : le groupe s’organise comme une entreprise professionnelle. L’architecte dessine des plans en prévision de l’autoconstruction, et donne les indications nécessaires aux

autoconstructeurs. Le travail de préparation du chantier a été un gros travail pour le groupe : budget prévisionnel poste par poste, répartitions financières entre les habitants, prévisionnel de chantier… Cela suppose autant de compétences de professionnels du bâtiment (analyse financière, maîtrise de la construction de bâtiments, gestion de projet, aspects juridiques, administratifs…), que le groupe possède de par leurs professions respectives, ou qu’ils vont chercher, et apprendre sur le tas. C’est lors de ce temps de préparation que se font les choix de ce qui sera autoconstruit au lieu d’être confié à des artisans : « là où c’était rentable, là où on allait ne pas y passer trop de temps, là où la prise de risque était acceptable, là où l’économie était substantielle. Les endroits où c’était à 1000€ on s’en fichait au début. Nous avons confié des postes aux entreprises pour des finitions, par exemple pour les bandes aux placo, on préférait gagner un mois de loyer plutôt que de chercher à économiser les 1000€ de travail. Nous avons pas mal discuté à savoir si on faisait le gros œuvre, c’est-à-dire la charpente, parce que c’est là où il y a une grosse économie à faire, mais la prise de risque elle est forte, surtout sur un bâtiment collectif. Tous les copains qui font des grosses économies sur de l’individuel, ils font du gros œuvre, et ils vont faire les finitions. Mais nous on ne s’est pas sentis, sur un truc de quatre logements, ça nous semblait un peu lourd. »

 

« Ce qu’on a fait : réception et pose de la menuiserie fin juillet, avec un copain qui était pro et qui nous a donné un coup de main. L’isolation, le sol, les cloisons, la plomberie, l’électricité, de la maçonnerie, du bardage, du huilage, les finitions, etc. Nous avons organisé le chantier sur trois types de tâches, il y avait ce qui était commun, c’est-à-dire tout ce qui touchait à la charpente, à la toiture, aux espaces communs, là on ne posait pas la question, on travaillait tous dessus. Tout ce qui était collectif, c’est-à-dire qu’on travaillait tous ensemble mais on était chez les uns ou les autres, on faisait les cloisons, ça appartient à l’un ou à l’autre, mais on allait bosser ensemble. Et puis individuel, là où chacun se débrouille chez lui. Dans l’individuel il y a des gens qui ont fait eux-mêmes, je pense à la plomberie, l’électricité, d’autres qui ont fait

appel à un artisan pour l’un ou pour l’autre. Ces chantiers moi je n’y connaissais rien, mais Pierre connaissait la plomberie, Thomas un peu l’électricité, il s’était formé, donc on a commencé chez l’un puis on a enquillé chez l’autre. Le temps de formation devenait valable sur quatre logements. On a eu plein de coups de main avec les boîtes, des gars sont restés pendant des heures pour nous livrer. J’ai entendu l’expérience d’un habitat groupé pendant les années 1980 où ils sentaient qu’ils étaient pris pour des rigolos par les entreprises et par les administrations, et nous je crois que les entreprises et les fournisseurs nous avaient à la bonne, parce qu’on était atypiques, on était sympa, et on savait ce qu’on voulait, c’était carré, et en même temps ils étaient curieux, ils revenaient en week-end en famille pour visiter. Et quand il fallait rester trois heures pour livrer des trucs, ils le faisaient. Moi j’avais fait un peu de maîtrise d’œuvre. Des fois quand on voyait tous les câbles d’électricité, ça nous faisait un peu peur… La charpente extérieure ça a été un gros morceau, parce qu’on l’a fait quasiment sans machine. On a loué quand même un machine pour la fin, à sept heures du matin, en plein hiver sous la pluie, on a commencé à jouer avec, à 16 mètres en l’air, et on l’a enlisé, on a mis deux heures à le désenliser avec le paysan à coté, mais on a réussi à construire ça, la charpente extérieure. Je pense qu’un charpentier professionnel monte ça en quelques heures à la grue, nous on a tout fait à la main, on a mis deux mois de chantier. On voulait fêter Noël dans les logements, en fait on est arrivé fin février. »

 

D’autres compétences sont mobilisées pendant le chantier : des compétences techniques bien sûr, mais aussi des compétences de négociations avec les entreprises. Ce point est très loin d’être négligeable, alors que beaucoup d’autoconstructeurs achètent au prix public. « Quand on voit dans des boîtes qui vendent de la ferraille, j’ai testé avec eux, les commerciaux n’aiment pas qu’on se mette à coté de l’écran de l’ordinateur. Mais quand on arrive à le faire, on voit que la ristourne passe de 0 à 75 % dans la discussion. Chez les fournisseurs professionnels, le prix public, à 100 %, ça n’existe pas ! Ça se joue à la négo. On dit que ce que définit le prix, c’est un rapport d’offre et de demande. Ce n’est pas vrai ! Le prix, c’est un rapport de domination, c’est un rapport de classe. Les pauvres paient toujours plus cher que les riches, et celui qui domine paie moins cher que celui qui est dominé. C’était très net : sur le même produit, on envoie Sabrina – parce que c’est aussi un rapport de domination masculine – on envoie Sabrina chercher un produit, quand elle revient il est au double de quand c’est moi qui y vais. Je l’avais testé avant avec un copain qui était artisan, il m’a dit de ne pas oublier de négocier le prix, alors je négocie le prix, je dis « je suis content j’ai eu 30 % », il me regarde et il me dit « d’habitude j’ai toujours 70 % ! » Il faut savoir comment ça marche. Je me suis retrouvé à faire du théâtre, du sketch, je me suis retrouvé à me faire masser par un commercial qui voulait montrer des gestes et des machins, des fois c’est du théâtre, ça fait partie du jeu, même si c’est parfois soûlant, et épuisant. »

 

Le fait de construire à plusieurs constitue des effets de seuils : « nous avons pu acheter du matériel professionnel, nous devons avoir plus de 7 000€ de matériel, nous n’avons pas une visseuse de moins de 400€. On ne l’aurait jamais fait si nous avions été en individuel. Nous avons du matériel qui vaut cher mais qui a été largement amorti, et divisé par quatre, parce qu’on est quatre foyers, ça fait que nous avons 75 % de réduction sur tout le matériel. » Au final, le groupe a réussi à tenir dans ses prévisions budgétaires. Ils estiment à 200 000€ d’économies sur les logements, et 50 000€ sur les espaces communs. Cette économie vaut la

comparaison avec un coût du travail à valoriser : « moi je considère qu’on a gagné 70 000€ chacun en un an de travail : je n’ai jamais gagné ça en salaire ! » On mesure l’importance de cette économie quand on sait qu’il s’applique sur un budget total de 800 000€.

 

« Pour finir, je me suis rendu compte que quand on présentait cette expérience-là à des gens, ça avait un effet inverse de ce qu’on voulait, ça avait un effet démobilisateur. Alors que pour nous, ça a été facile. Pour moi ça a été facile du début à la fin. On n’a pas eu d’accident de parcours, on n’a pas eu à faire face à des choses trop compliquées. En fait c’est parce qu’on a appris petit à petit. C’est ce que Le Stratt appelle une montée collective en capacité, progressive. Le fait d’être en groupe, le fait d’avoir le temps, c’est monter comme ça doucement, et ça marche. Je crois que ce qui garantit la réussite, c’est de se donner des objectifs à notre portée. On n’a pas mis l’échelle trop haute, à chaque fois c’était accessible, avec nos compétences et nos moyens, avec les copains qu’on avait autour, et les coups de main, etc. Nous avions des compétences avant ce projet, mais nous avons beaucoup appris sur place. Moi je n’y connaissais rien à l’aspect juridique ou administratif, Thomas s’est formé à la compta, aux normes, … On a associé des compétences. Et nous on se dit que c’est juste un habitat, ce n’est pas tous nos fantasmes, tous nos rêves, toutes nos utopies, on ne pas tout mettre là-dedans. On a plein d’autres projets, on est investis dans plein d’autres choses. Du coup ça a été simple. Il y a une vraie prise de risque, il y a des assurances qu’on n’a pas prises, des garanties qu’on n’a pas eu, mais on a essayé de le faire en se disant que si on a un problème, qu’est-ce qu’on est capable d’assumer et qu’est-ce qu’on n’est pas capable d’assumer. La charpente on ne le sentait pas, on a fait intervenir un charpentier, et il y a plein d’endroits, si ma plomberie pète, qu’il y a des fuites partout, je vais me démerder, avec le placo je serais emmerdé, mais je sais que je serais capable de l’assumer. On avait effectivement des compétences dans le groupe, et des ressources autour de nous aussi, pas mal de copains qui étaient dans le bâtiment, qui faisaient des échanges, ou du conseil, ou du matériel. Cette idée de maîtrise d’usage, c’est qu’on a personnalisé tout ce qu’on a fait. On a été maître d’ouvrage, maître d’œuvre, et maître d’usage. On a fait une vraie économie, ça c’est clair. On se sent tous plus autonomes et plus capables de faire des choses. Moi j’ai toujours été attaché à cette idée d’autogestion, mais je vois bien que aujourd’hui, que je recommence à travailler, à avoir d’autres projets professionnels, je les aborde différemment. Ce qui nous a mu, peut-être pas tous dans le groupe, mais quand même, c’est la volonté et l’expérience politique, on l’avait dans le mouvement coopératif, le mouvement associatif, un peu militant, un peu anar, avec des choses organisées, des méthodos, et tout. Pour moi il y a une dimension politique aussi dans le fait de le faire. C’est aussi une forme de résistance. Il y a un certain nombre de choses aujourd’hui qui nous incite à ne pas le faire. Nous, notre expérience, c’est que l’autogestion ça se pratique, ça fait pas peur, ça fait pas mal, ça s’apprend. Ça s’apprend sur des objets assez simples, et quand on sait le faire sur des objets simples, on peut le faire sur des objets plus complets. C’est une façon d’agir sur le monde. Un truc que je dis de plus en plus, c’est que tout ce qu’on a fait, si on nous avait dit au début qu’on allait faire « De la fabrication institutionnelle des impuissances-à-agir au développement d’un empowerment [Blog de Pascal Nicolas-Le Strat ». http://blog.le-commun.fr/?p=693], tout ça, on ferait comme tous les gens qu’on rencontre et qui viennent nous visiter, on aurait dit « c’est trop compliqué, ce n’est pas pour nous, c’est trop dur ». Mais on a appris au fur et à mesure. On a appris en avançant, étape par étape, et à chaque fois les marches étaient accessibles. »